Le Quattrocento florentin est généralement lu d'une manière schématique, qui rend peu compréhensible un personnage aussi "subtil" que Paolo Uccello : telle est l'idée qui, de bout en bout, parcourt ce livre et l'anime. On y verra se dessiner les contours d'un humanisme "alternatif", parallèle à la voie triomphante, celle de Brunelleschi - Masaccio - Alberti - Piero della Francesca, et que depuis Vasari, l'histoire a maintenu dans l'ombre. Cet humanisme-là - dont les racines plongent loin dans le gothique florentin et dans la science arabe - c'est la voie qu'a choisie, à sa manière distante, silencieuse, solitaire, Paolo Uccello. Par le texte et l'image, le livre porte sur la Florence où il vit et travaille, un éclairage nouveau, sur l'art et les idées, sur la politique et l'architecture. L'oeuvre même de Paolo, entièrement illustrée, se trouve tout naturellement présentée - et ce pour la première fois - comme le fruit logique, comme la somme cohérente d'une longue carrière, entièrement menée le pinceau à la main. Le catalogue raisonné final apporte des notions nouvelles qui bousculent elles aussi nombre d'idées reçues. Qui donc était Paolo Uccello ? Celui qui, "doué d'un génie subtil, n'avait plaisir qu'à l'étude de questions de perspective difficiles, voire insolubles... qui avait toujours chez lui des tableaux d'oiseaux, de chats, de chiens et de toutes sortes d'animaux étranges... qui peignait les champs bleus, les villes rouges, et tous les édifice selon sa fantaisie" ? (Vasari) ou bien faut-il le voir comme celui "qui racontait, dans de grands tableaux rouges, avec une vigueur candide, des tournois en caparaçons hérissés de banderolles, retentissants de bruits d'armures et de chocs de cavalerie" (Elie Faure) ? Est-il ce "poète attardé, inégal et bizarre, qui réduit l'univers à une maquette géométrique, et s'adonne sans fin à des recherches de mathématique descriptive" (André Chastel) ? Peut-être, mais s'il s'agit de comprendre : " ... Ucello, petit garçon, petit oiseau, petite lumière déchirée, je bénis ton silence si bien planté. A part ces lignes que tu pousses de la tête comme une frondaison de messages, il ne reste de toi que le silence et le regret de ta robe fermée. Deux ou trois signes dans l'air, quel est l'homme qui prétend vivre plus que ces trois signes, et auquel, le long des heures qui le couvrent, songerait-on à demander plus que le silence qui les précède ou qui le suit. Je sens toutes les pierres du monde et le phosphore de l'étendue que mon passage entraîne faire leur chemin à travers moi. Ils forment les mots d'une syllabe noire dans les pacages de mon cerveau. Toi, Uccello, tu apprends à n'être qu'une ligne et l'étage élevé d'un secret" (Antonin Artaud). Franco Brosi est professeur d'histoire de l'architecture à l'université de Florence. Il est l'auteur de nombreux livres sur l'architeture de la Renaissance et du Baroque (Alberti, Bramante, Le Bernin...) mais aussi sur l'Art Nouveau et les années trente. Stefano Borsi enseigne l'histoire de l'art à Rome. Spécialiste de la Renaissance, il est l'auteur entre autres d'ouvrages sur la topographie de Rome et sur les dessins de Sangallo.