La construction est subtile, ne suivant pas toujours la chronologie. On découvre des documents inédits, on en revient aux textes, à la parole d'Aragon lui-même. Surtout, Juquin fait des hypothèses, propose un point de vue. On est loin de ces biographies dites " à l'américaine ", où ne manque aucun détail, mais où la réflexion fait défaut. " Il n'est plus de chemin privé si l'histoire un jour y chemine ", écrivait Aragon dans Le Roman inachevé (1956). Juquin prend donc le point de vue de l'histoire...
En revanche, on a souvent moins bien parlé que ne le fait Juquin du précoce et boulimique lecteur qu'était Aragon, de sa découverte de Rimbaud et de Lautréamont, de sa folie d'écrire - " Même quand je n'ai pas l'air d'écrire je ne fais que me préparer à le faire " -, de son intérêt pour le journalisme - que Breton méprisait - ou de sa relation passionnelle avec Drieu la Rochelle, qui est dédicataire du Libertinage (1924). De ses relations avec les femmes aussi...
Enfin, le grand mérite de cette biographie - avec notamment une très intéressante lecture philosophique du Paysan de Paris (1926) -, est de donner envie de lire ou de relire celui qui disait " Les mots m'ont pris par la main " et répondait à ses détracteurs : " Commencez par me lire ! "
Josyane Savigneau - Le Monde du 8 novembre 2012
Pierre Juquin a fait le pari que tout n'était pas dit, et que, trente ans après sa mort, il était possible, non de dénicher quelque nouvelle anecdote, mais de comprendre le destin d'Aragon, de l'inscrire dans la grande polyphonie littéraire et politique qui a fait, de la Belle Époque à l'automne du XXe siècle, une certaine culture française. C'est ainsi qu'il procède, tenant les rênes des deux mains, entre les représentations d'un temps et les intuitions visionnaires de l'artiste.
Alain Nicolas - L'Humanité du 6 décembre 2012
Il s'agit, pour l'heure, d'un premier volume qui couvre les quelque quarante premières années (1897-1939) de la vie de Louis Aragon. Pierre Juquin était qualifié pour s'engager dans une telle aventure. De tous les dirigeants du Parti communiste français, conduits dans les années 1960 et 1970 à croiser le monstre sacré dans les couloirs de la place du Colonel-Fabien, il était par sa formation intellectuelle le plus à même de distinguer ce qu'il y a d'admirable dans l'oeuvre et d'énigmatique dans l'homme.
Marc Riglet - Lire, décembre 2012